fév. 25 2022 | Guerre en Ukraine/dépendance au gaz russe : La commission des affaires économiques s'alarme du risque de "black-out" électrique
La commission des affaires économiques a confié à ses rapporteurs, Daniel Gremillet, Jean?Pierre Moga et Jean?Jacques Michau, une mission d’information sur l’énergie et l’hydrogène nucléaires. Dans un contexte de grave crise énergétique, renforcée par les perspectives d’un conflit durable en Ukraine, ils ont estimé indispensable de réaliser un point d’étape sur la sécurité d’approvisionnement électrique.
Leur constat est sans appel : l’activité de production nucléaire du groupe EDF est tombée à un niveau jamais vu depuis le début des années 1990. Le groupe a annoncé 12 arrêts de réacteurs nucléaires fin février et une production historiquement faible cette année, entre 295 et 315 térawattheures (TWh). Parmi ces arrêts, certains sont liés aux contrôles dus au phénomène de « corrosion sous contrainte » : 5 réacteurs sont actuellement l’objet de contrôles et 6 autres le seront sous 3 mois.
Cette situation :
- nuit à notre transition énergétique, le Gouvernement ayant rouvert les centrales à charbon, par un décret du 5 février 2022, au mépris de l’engagement pris par la loi « Énergie?Climat » ;
- pénalise notre indépendance énergétique, Réseau de transport d’électricité (RTE) relevant un recours « quasi systématique » aux importations depuis novembre, avec des pics proches des « capacités techniques maximales » d’importation en décembre ;
- emporte de lourds risques pour les consommateurs d’énergie – ménages, entreprises et collectivités –, RTE excluant un « black?out » généralisé, mais envisageant sérieusement des « coupures ciblées, locales, temporaires et maîtrisées ».
Cette situation pourrait perdurer et s’aggraver : la situation de « vigilance particulière », identifiée par RTE, court jusqu’en 2024.
Cette situation était prévisible. Ses causes sont, en partie, conjoncturelles, liées à l’impact de la crise de la Covid?19 sur le « programme d’arrêts de tranche » du groupe EDF. Elles sont surtout structurelles, en raison du manque de constance et d’anticipation de la politique nucléaire du Gouvernement. Il en résulte une baisse des capacités de production nucléaire particulièrement préoccupante, alors que, par ailleurs, la France dépend, pour près de 20 % de ses approvisionnement en gaz, de la Russie.
Dans ce contexte, les rapporteurs formulent 12 préconisations, réunies en 3 axes, pour renforcer la sécurité d’approvisionnement électrique, en relançant massivement l’énergie nucléaire, aux côtés des énergies renouvelables.
Pour ce faire, ils préconisent de :
- réviser le cadre stratégique, en s’appuyant sur un cap clair, des actes concrets et des investissements massifs en direction de l’énergie nucléaire ;
- consolider le système de détection et d’intervention, sur le plan de la sécurité d’approvisionnement ;
- mobiliser tous les leviers de pilotage disponibles, en matière de production comme de consommation.
Au?delà de ce point d’étape, la mission d’information sur l’énergie et l’hydrogène nucléaires poursuivra ses travaux au long cours, pour une publication de ses conclusions d’ici l’été.
Pour Sophie Primas, « l’énergie nucléaire constitue la clé de voûte de notre transition et de notre souveraineté énergétiques. Je regrette que l’Exécutif ait attendu les derniers mois du quinquennat pour s’en soucier malgré les nombreuses alertes du Sénat ! Une politique énergétique, a fortiori nucléaire, ne s’improvise pas. Elle nécessite de la constance et de l’anticipation, des investissements constants dans la recherche. L’arrêt de recherches sur la ?fermeture du cycle du combustible?, c’est?à?dire la réutilisation des combustibles usés, est une faute. L’enjeu est de réussir la mutation de notre système de production et de consommation d’énergie, pour atteindre la ?neutralité carbone? à l’horizon 2050 ! »
Pour Daniel Gremillet, « l’énergie nucléaire connaît une érosion de sa production depuis 10 ans. C’est regrettable, car cette énergie est, tout à la fois, compétitive, accessible et décarbonnée ! L’Exécutif n’aurait pas dû fermer la centrale de Fessenheim, ni le projet de démonstrateur Astrid. Il aurait dû écouter le Sénat, qui anticipait une déstabilisation du programme d’?arrêts de tranche? du groupe EDF et une flambée des prix des énergies en sortie de crise, dans le cadre de ses travaux de suivi de la Covid?19, dès juin 2020 ! »
Pour Jean?Pierre Moga, « au?delà des effets d’annonces, un effort d’investissement massif est attendu par le groupe EDF et l’ensemble de la filière du nucléaire. Les projets innovants d’EPR2 et de SMR, prévus pour le ?nouveau nucléaire?, doivent trouver un aboutissement concret et rapide ainsi que des financements pour placer la France à la pointe de la compétition internationale ».
Pour Jean?Jacques Michau, « aux côtés de l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables concourent à renforcer notre sécurité d’approvisionnement. Pour passer la pointe de consommation hivernale, il nous faut préférer une production locale de biogaz au gaz fossile importé, d’autant que ce dernier induit une dépendance extérieure, dans le contexte de crise en Ukraine. Nous devons miser sur les énergies renouvelables électriques les moins intermittentes : l’hydroélectricité et l’éolien en mer. Il nous faut aussi développer le stockage de l’électricité et maîtriser sa consommation, en mobilisant à plein la performance et l’efficacité énergétiques ».
Source : Communiqué Sénat
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