juil. 10 2014 | Le CESE a voté son avis : 'Projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français'
Par lettre du 18 juin 2014, le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental sur le « projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français ». Le Conseil considère ce projet de loi comme une première page d’une nouvelle étape de l’histoire de l’énergie en France. Ce premier volet qui met en avant les économies d’énergies et le développement des énergies renouvelables propose une impulsion pour une réelle transformation.
Le CESE, qui avait anticipé le traitement de ces questions relève avec intérêt la présence dans le projet de loi de plusieurs recommandations de ses avis antérieurs : programmation pluriannuelle de l’énergie, société bas carbone, rénovation énergétique, tiers financement, participation des citoyens aux projets locaux…
Cet avis, rapporté au nom des sections de l’environnement et des activités économiques par Mme Laurence Hézard et M. Jean Jouzel, a été soumis au vote de l’assemblée plénière du CESE le 9 juillet. Il a été adopté avec 169 votes pour, 0 vote contre et 14 abstentions.
Définir les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique de la France et lutter contre le réchauffement climatique
Dans la continuité de l’avis sur la Transition énergétique : 2020-2050, un avenir à bâtir, une voie à tracer, adopté en janvier 2013, le Conseil réaffirme avec force son adhésion à l’objectif - auquel a souscrit la France en 2003 - d’une division par quatre (« facteur 4 ») des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à ce qu’elles étaient en 1990. Cet engagement exige un effort exceptionnel et continu de toutes les parties prenantes. Cet objectif devrait être explicité dans cette loi comme il l’a été dans les lois de programmation précédentes relatives à l’énergie.
Compte tenu des nouveaux objectifs de l’UE en matière d’environnement à l’horizon 2030, le projet de loi adresse un signal fort à l’ensemble des partenaires européens en appelant à nouveau de ses vœux une politique européenne de l’énergie cohérente avec la politique climatique. Ainsi, l’objectif de 20% d’économies d’énergie primaire d’ici à 2020 devra être contraignant. Il est important que le projet de loi intègre un objectif national d’efficacité énergétique à horizon 2030. « Cette politique de l’Union devrait permettre un développement harmonieux et complémentaire des productions, en particulier dans les régions déjà fortement interconnectées (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse, Italie…) en respectant les caractéristiques propres à chaque pays », précise l’avis. Le droit d’accès à l’énergie, bien de première nécessité, devra être réaffirmé comme un objectif à atteindre par la politique énergétique nationale. Le CESE recommande d’« assurer la transparence et l’information de tous, sur tous les coûts et les prix de toutes les énergies ainsi que leur contenu carbone ».
Mieux rénover les bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois
Le CESE, dans l’avis Efficacité énergétique : un gisement d’économies ; un objectif prioritaire, rendu en janvier 2013, rappelait que l’efficacité énergétique est la première source potentielle d’énergie domestique à l’horizon de 2020. Compte tenu de la crise que traverse le secteur, il considère comme justifié que la rénovation des bâtiments soit une question centrale du projet de loi.
Le CESE avait porté dans cet avis une attention particulière aux situations de précarité énergétique qui ne permettent pas de « disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Le CESE regrette que le projet de loi n’aborde cette question qu’à travers le chèque énergie. Il recommande :
- d’amplifier le programme « Habiter Mieux » dans le cadre de la réforme des CEE, y compris pour les copropriétés ;
- de développer le repérage et l’accompagnement des populations en précarité énergétique, d’intégrer la performance énergétique dans les critères de décence pour la location des logements et d’engager une concertation immédiate entre tous les acteurs concernés ;
- d’élargir le nombre des bénéficiaires des tarifs;
Le CESE approuve l’encouragement au déploiement d’une véritable filière de l’efficacité énergétique et à un positionnement actif de notre pays au niveau européen en faveur de directives éco-conception ambitieuses.
Développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé de tous
Le CESE apprécie l’intégration d’un titre consacré aux transports dans le projet de loi – ce dernier va d’ailleurs dans le même sens que l’avis sur la transition énergétique dans les transports, rendu en 2013, qui avait recommandé l’accélération de l’électrification du transport individuel (et collectif). Le CESE regrette que le projet de loi mette essentiellement l’accent sur le développement des flottes de véhicules considérés comme « propres », à savoir ceux disposant de motorisations électriques ou hybrides rechargeables.
La réduction de la consommation des énergies fossiles dans le secteur des transports ne saurait se limiter à promouvoir le tout-électrique. Pour le CESE, une loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique dans le domaine des transports devrait également aborder les aspects suivants :
- la consolidation de l’effort de recherche-développement et d’innovation pour les véhicules du futur, de la « voiture verte » jusqu’au « véhicule 2.0 », sans oublier les navires du futur maritimes et fluviaux.
- le développement des alternatives au transport routier et aérien et de l’inter-modalité pour organiser la complémentarité des transports.
- l’accompagnement des changements de comportement.
- le développement d’approches territoriales globales passant par des règles d’urbanisme renforçant l’action contre l’étalement urbain ou par le développement de transports en commun de proximité et de qualité.
- une cohérence des dispositifs règlementaires et fiscaux.
Sur ces différents aspects, le CESE souhaite que les évolutions soient engagées avec les industriels et tous les acteurs du secteur de façon à ce que cette transition soit mise en œuvre de façon pertinente, en termes notamment d’évolution de leurs stratégies compte tenu des objectifs fixés.
Lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage
Dans l’avis Transitions vers une industrie économe en matières premières, adopté en janvier 2014, le Conseil rappelait que la démarche vers l’économie circulaire prend en considération l’ensemble du cycle de vie des produits et repose sur l’éco-conception. Le présent avis souligne quant à lui que l’économie circulaire s’étend bien au-delà de la gestion des déchets - élément essentiel des mesures inscrites dans le projet de loi. « L’objectif de la transition vers ce type d’économie doit s’inscrire dans une démarche globale, de long terme », précise le CESE, qui rappelle que le développement de l’économie circulaire nécessite une impulsion politique et un soutien des initiatives ponctuelles pour en tirer l’expérience permettant d’en faire des pistes durables.
Favoriser les énergies renouvelables pour diversifier nos énergies et valoriser les ressources de nos territoires
Dans l’avis consacré à la Transition énergétique adopté en janvier 2013, le CESE rappelait que la CSPE, qui a pour objet de compenser les missions qui sont à la charge des opérateurs, est payée par l’ensemble des consommateurs d’électricité, et a demandé qu’à ce titre, la lisibilité et la transparence de son fonctionnement soient améliorées.
Dans l’avis, le CESE souhaite en améliorer les impacts et envisager des financements complémentaires pour les EnR, avec la volonté d’agir sur la précarité énergétique dans sa globalité et considère que la péréquation nationale des tarifs doit rester couverte par la CSPE. Le Conseil préconise une évolution des dispositifs de soutien et de régulation actuel des EnR qui favorise leur insertion dans une logique de marché, selon un phasage à établir et tenant compte des maturités technologiques. Les EnR doivent également induire la création d’emplois qualifiés non délocalisables et présenter un bilan satisfaisant en termes d’externalités.
Renforcer la sûreté nucléaire et l’information des citoyens
À ce sujet, le CESE partage la volonté de la ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, que ce sujet soit abordé sereinement, sans dogmatisme et dans toutes ses dimensions afin de bâtir la meilleure complémentarité entre les différentes énergies (coûts/bénéfices/risques/impact bas carbone), indispensable à un mix énergétique diversifié, décarboné, résilient et compétitif.
« L’objectif de transparence et d’exhaustivité doit être atteint pour tous ces éléments - coûts, bénéfices et risques - et pour toutes les formes de production d’énergie », précise l’avis.
Pour le CESE, l’objectif de sûreté pour les installations en fonctionnement est un objectif majeur. Il est de la responsabilité de l’exploitant sous contrôle de l’ASN et ne peut être délégué. L’avis précise que les exploitants et les entreprises sous-traitantes doivent être soumis aux mêmes exigences en matière de qualité d’intervention, de radioprotection et de sécurité des salariés.
Dans l’avis sur la Transition énergétique, le CESE considère que la poursuite de l’exploitation des réacteurs existants doit être subordonnée aux prescriptions de l’ASN, mais aussi aux choix d’orientation pris par l’autorité publique.
Simplifier et clarifier les procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité
Le CESE partage l’objectif de gagner en simplification, en efficacité et en compétitivité dans le cadre des procédures pour les ouvrages EnR. Cette orientation doit également concerner les ouvrages permettant à l'électricité ainsi produite, d'être transportée jusqu'aux consommateurs en temps et heure.
Donner aux citoyens, aux territoires et à l’Etat le pouvoir d’agir ensemble
Pour cela, le Conseil soutient dans l’avis l’adoption d’une programmation pluriannuelle de l’énergie, proposition formulée dans l’avis de 2013 sur la Transition énergétique. Il précise qu’un prix incitatif soit donné au carbone.
Le projet de loi prévoit de réduire la consommation énergétique finale des énergies fossiles de 30 % en 2030. Cet objectif sera décliné dans la future programmation pluriannuelle de l’énergie. Le CESE recommande que cette réduction se fasse en fonction du contenu spécifique en carbone de chaque énergie.
Par ailleurs, le CESE recommande que l’évolution de l’organisation territoriale s’accompagne d’une forte volonté de transversalité et de synergies entre les différents niveaux de façon à gagner en agilité et en coûts globaux dans un souci de cohérence nationale d’ensemble. La cohérence d’ensemble des actions conduites par les différents niveaux de collectivités, et les interactions entre les différents niveaux de la future réorganisation territoriale, est un élément de réussite important. L’État restant responsable de la cohérence nationale de la politique climat-énergie.
Concernant l’emploi, il s’agit pour le CESE de réunir les conditions pour que le nouveau modèle énergétique soit non seulement source d’emplois nouveaux, mais aussi accélérateur de l’évolution des métiers dans tous les secteurs, au-delà de celui de la production d’énergie. Pour réussir cette transition énergétique, le CESE recommande la mise en place d’un Plan de programmation de l’emploi et des compétences (PPEC), en parallèle du PPE, élaboré par les partenaires sociaux, les pouvoirs publics et les représentants des régions. Ce PPEC donnera une visibilité sur les besoins d’évolution en matière d’emploi et de compétences sur les territoires et dans les filières. Pour cela, le PPEC procédera à une veille sur l’évolution de l’emploi, des métiers et des compétences dans tous les secteurs professionnels impactés par la transition énergétique prenant en compte l’emploi direct comme indirect, et plus largement les évolutions de l’emploi et des qualifications.
Le CESE recommande que les consultations de suivi des outils du projet de loi soient effectuées par les mêmes instances que celles consultées pour le projet de loi. Elles pourront faire appel ponctuellement à une expertise plurielle, sans qu’il ne soit nécessaire de constituer une instance supplémentaire. Le CESE doute de l’utilité du comité d’experts tel qu’il apparaît dans le projet de loi.
Concernant la mobilisation citoyenne, le Conseil approuve la volonté du projet de loi de promouvoir une écologie, reposant sur la mise en mouvement de tous. Cet objectif nécessite des campagnes d’information grand public régulières. Il insiste notamment sur la démocratisation des enjeux énergétiques et formule le souhait de donner aux citoyens de nouvelles possibilités de s’impliquer, en particulier au niveau local. Le CESE souhaite que soit prévu un agenda avec des points d’étapes et d’information sur les grandes orientations du projet de loi et sur l’instruction des modalités de leur mise en œuvre.
Enfin, l’avis rappelle que la transition énergétique nécessite un effort accru de recherche et d’innovation, dont la dimension est déterminante. CESE réitère ainsi sa recommandation, formulée en 2013 dans l’avis sur la Transition énergétique, d’effectuer chaque année sur la vente aux enchères de quotas de CO2 un prélèvement destiné à favoriser la R&D et de privilégier au moins deux axes de recherche : le premier concerne l’ensemble des solutions de stockage de l’énergie, le second, les réseaux intelligents.
« Le nouveau modèle énergétique ouvre un nouveau mode de développement solidaire et de bien vivre ensemble qui doit concerner toutes les activités économiques du pays et s’inscrit dans la dynamique de lutte contre le changement climatique. Le moteur de la réussite de ce pari est lié à notre capacité à nous remettre en question pour emprunter les chemins du futur. La confiance est, là encore, la condition nécessaire pour le succès de cette transition », concluent Laurence Hézard et Jean Jouzel.
Source : Communiqué CESE
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