Asterès est un cabinet d’études économiques et de conseil. Nous proposons aux entreprises et au secteur public des outils de réflexion pour orienter l’action. Notre mission est de mettre l’expertise économique au service du développement de nos clients, donnant à l’analyse économique son rôle opérationnel. Nous opérons également un suivi conjoncturel de l’économie française et des technologies. La dernière note sur l’hydrogène naturel publiée le 12 décembre a été rédigée à l’initiative d’Asterès et n’a pas été financée par un client en particulier.
Vous avez réalisé une étude sur l'hydrogène naturel, quelles en sont les conclusions ?
L’objectif de cette note est de cerner les enjeux scientifiques, techniques et économiques de l’hydrogène naturel. Nous avons scruté la littérature récente sur la géologie de l’hydrogène naturel et les technologies basées sur l’hydrogène pour produire une analyse sur les impacts économiques potentiels de l’hydrogène naturel. Je dirais qu’il y a trois enseignements principaux à retenir de cette note :
- Le premier enseignement est que l’hydrogène naturel a longtemps été négligé, même par la communauté scientifique, et qu’on commence seulement à se rendre compte de son potentiel. Le consensus était que la molécule de dihydrogène (même si on parle dans le langage commun « d’hydrogène ») n’était pas présente à l’état pur sur Terre mais toujours attachée à d’autres atomes. On sait maintenant que c’est faux et que la Terre produit continuellement de l’hydrogène en grande quantité, par divers processus chimiques qui ont lieu dans les couches terrestres, dont certains font intervenir des microorganismes. C’est révolutionnaire car cela voudrait dire qu’on peut envisager l’hydrogène comme une source d’énergie primaire et non un vecteur d’énergie. En outre, l’hydrogène naturel n’est pas une énergie fossile, c’est-à-dire que ce n’est pas un gaz issu de la décomposition de la matière organique sur le temps long, mais un gaz produit par la Terre sur une échelle de temps humaine. En d’autres termes : une énergie renouvelable. Cette ressource aurait également l’avantage d’être répartie plus uniformément sur la planète que les énergies fossiles et son exploitation serait donc beaucoup plus décentralisée.
- Le deuxième enseignement, qui appelle à la prudence, est que le potentiel exploitable par l’industrie est encore mal connu. L’exploration et l’exploitation de l’hydrogène naturel en est aujourd’hui à ses balbutiements : seul un projet pilote produit actuellement de l’hydrogène de manière pérenne au Mali (après une découverte accidentelle dans les années 1980) et quelques forages profonds ont été réalisés aux États-Unis. En France, un permis de recherche d’hydrogène naturel dans les Pyrénées Atlantiques vient d’être accordé pour la première fois. Les acteurs de la filière estiment à moins de 1€/kg le coût de l’hydrogène naturel – en comparaison, le coût de l’hydrogène produit par électrolyse est aujourd’hui compris entre 3€/kg et 7€/kg. Mais en réalité ce coût dépendra de l’accessibilité de la ressource : s’il s’avère, par exemple, que l’essentiel de l’hydrogène est en fait niché à des profondeurs très importantes le coût ne sera pas le même. De même s’il est trop diffus sur la planète. La bonne nouvelle est que même si une « fraction » de l’hydrogène produit naturellement par la Terre nous est accessible à un prix compétitif, alors il y a largement de quoi alimenter une « civilisation de l’hydrogène ». En outre, les découvertes récentes sont très encourageantes : un site découvert par hasard en Lorraine pourrait représenter une manne de 46 millions de tonnes d’hydrogène, soit environ la moitié de la consommation mondiale actuelle. C’est colossal – même s’il reste à estimer le flux annuel.
- Le troisième enseignement est que cette nouvelle découverte pourrait réduire drastiquement le coût de la transition énergétique. Nous avons imaginé trois scénarios prospectifs dans lesquels l’hydrogène naturel se substitue à l’hydrogène vert (scénario 1), le nucléaire, le solaire et l’éolien (scénario 2), voire élargit l’offre énergétique (scénario 3). Dans le premier scénario, le coût de l’hydrogène diminue, ayant pour effet de booster la compétitivité des usages basés sur cette ressource (réduction directe du fer, production de chaleur industrielle, véhicules à hydrogène, carburants synthétiques pour l’avion et le fret maritime, chauffage résidentiel). Le deuxième scénario est plus disruptif car l’hydrogène se substitue (en partie) aux énergies primaires, ayant pour effet de réduire le coût de l’électricité – et donc des usages basés sur ce vecteur d’énergie. Enfin, dans le troisième scénario, l’hydrogène est si abondant que des projets énergivores deviennent rentables. L’impact économique de l’hydrogène dépend donc in fine de la disponibilité de la ressource à un prix compétitif, ce qui reste aujourd’hui une inconnue. Notons que cette transformation de l’économie n’est pas sans soulever certains défis techniques car la plupart des technologies basées sur l’hydrogène ne sont pas encore entièrement matures.
Quelles sont vos autres études et publications dans le domaine des énergies ?
Cette année nous avons réalisé pour CGN une étude sur l’impact économique du développement de l’éolien terrestre en France. Nous avons également réfléchi pour Engie à une méthode d’arbitrage entre les énergies qui intègres les effets économiques. Nous avons enfin réalisé des travaux sur la coopération internationale dans le domaine énergétique et les interconnexions électriques.
Propos recueillis par Jean-Guy Debord
