Sealhyfe, le 1er pilote de production d’hydrogène offshore au monde a fonctionné de de septembre 2022 à novembre 2023, quels étaient les objectifs de Sealyfe et quels enseignements en avez-vous tirés ?
En lançant le 1er pilote de production d’hydrogène offshore au monde, Lhyfe a souhaité démontrer la faisabilité technique d’un tel projet, et disposer de l’expérience opérationnelle nécessaire pour passer rapidement à l’échelle. Plus concrètement, cette expérimentation a eu pour but de :
- Prouver la capacité de Lhyfe à opérer une unité de production à échelle industrielle en milieu isolé,
- Prouver la fiabilité de la technologie d'électrolyse en conditions environnementales sévères, représentatives des conditions d’opération de ses futurs sites d’envergure en mer ;
- Fournir une banque de données opératoires permettant à la fois d’optimiser et de fiabiliser les procédés de production, et d’éprouver les technologies employées en vue de les passer à l’échelle sur des sites de capacité 10, puis 100 fois supérieure.
En septembre 2022, lors de son inauguration, la plateforme Sealhyfe devait relever plusieurs défis majeurs et inédits :
- Réaliser toutes les étapes de la production de l’hydrogène, en mer : convertir la tension électrique provenant de l’éolienne flottante, pomper l’eau de mer, la désaliniser et la purifier, casser cette molécule d’eau via l’électrolyse, pour obtenir de l’hydrogène vert renouvelable ;
- Gérer l’impact du mouvement de la plateforme sur les équipements : gîte, accélérations, mouvements de balancier, etc. ;
- Faire face aux agressions environnementales : Sealhyfe devait faire face au vieillissement prématuré de ses pièces (corrosion, chocs, variations de température, etc.…) ;
- Fonctionner en milieu isolé : elle devait fonctionner de façon totalement automatique, sans intervention physique d’un opérateur hormis pour les périodes de maintenance planifiée, optimisées dès la phase de conception.
Dès l’issue de la première phase d’expérimentation, à quai, Lhyfe a fait évoluer son cahier des charges pour l’ensemble de ses sites – à terre ou en mer – afin de leur faire bénéficier de cette précieuse expertise. L’ensemble des unités a donc bénéficié des optimisations de fonctionnement de pointe appliquées dans le cadre de cette expérimentation.
Les enseignements tirés à l’issu de l’expérimentation sont multiples :
- Réactivité et flexibilité du système : la production d’hydrogène en mer étant particulièrement pertinente pour fournir des services au réseau électrique, Lhyfe a testé de façon répétée, dans de multiples configurations, la flexibilité et la réactivité du système. L’expérimentation a également permis de confirmer la capacité du système à gérer la variabilité de l’énergie éolienne dans les conditions spécifiques de l’offshore. Le système d’électrolyse a été opéré dans le cadre des tests de recherches prévus, y compris à sa capacité de production maximale : les performances obtenues ont été aussi élevées qu’à terre, confortant la fiabilité de l’installation.
- Robustesse : tout au long de l’expérimentation, les équipements du système de production conçus par Lhyfe ont été éprouvés en conditions extrêmes (gestion du mouvement de la plateforme, des agressions environnementales…). Sealhyfe a notamment éprouvé cinq tempêtes significatives, dont Ciaran, qui a balayé les côtes Atlantique en octobre 2023 avec des vagues de hauteur supérieure à 10m et des vents de plus de 150 km/h. L’analyse complète des équipements du système de production, une fois celui-ci revenu à terre, a confirmé que l’ensemble du matériel est revenu indemne, et en capacité de production.
- Optimisation des équipements et du système : les instruments de mesure embarqués et pilotés à distance ont permis, tout au long de l’expérimentation, d’identifier des sources d’optimisation du rendement et de la fiabilité des moyens de production de Lhyfe sur ses autres projets : systèmes de sécurité, architecture électrique, automatismes, gestion des fluides et des stocks...
- Pilotage à distance : la phase de tests référentiels à quai a permis de dérisquer le projet : la grande majorité des impacts spécifiques à la production d’hydrogène en mer y ont été identifiés et améliorés. Le site a ensuite été exclusivement opéré à distance depuis le centre de pilotage de Lhyfe, grâce aux outils de supervision et de contrôle spécifiquement développés par l’entreprise. L’expérimentation a ainsi permis de valider les logiciels et algorithmes de production d’hydrogène vert et renouvelable, et de réduire le nombre d’interventions à réaliser en milieu marin. Au total, Lhyfe a réalisé moins d’une dizaine d’opérations de maintenance et le système a été opéré pendant 70 % du temps exploitable.
Quel était votre partenariat avec Plug sur ce projet ?
L’électrolyseur a été fourni et optimisé pour ces conditions opérationnelles hors normes, par Plug, l’un des leaders du marché, très engagé sur la voie de l’offshore. Ensemble, Plug et Lhyfe ont mis au point le premier électrolyseur capable de fonctionner sur une plateforme flottante.
Cette expérience va vous permettre de développer le projet HOPE, quelles sont ses caractéristiques, et dans quel délai peut-il être opérationnel ?
Les fruits de cette expérimentation sont effectivement d’ores et déjà intégrés dans le cadre du projet HOPE, qui constitue la deuxième étape des ambitions offshore de Lhyfe.
Ce projet, que Lhyfe coordonne au sein d’un consortium de 9 partenaires, a été retenu au printemps 2023 par la Commission Européenne dans le cadre du partenariat européen pour l’hydrogène propre “Clean Hydrogen Partnership” et bénéficie à ce titre d’une subvention de 20 millions d’euros.
Avec HOPE, Lhyfe et ses partenaires changent d’échelle et visent la commercialisation : ce projet d’une envergure inédite (10 MW) pourra en effet produire jusqu’à 4 tonnes / jour d’hydrogène vert en mer qui sera exporté à terre par un pipeline composite, compressé et distribué à des clients pour des usages dans les secteurs de l’industrie et des transports. HOPE est le premier projet offshore de cette dimension au monde à débuter sa mise en œuvre effective, pour une mise en service de l’unité de production et des infrastructures d’export et de distribution dès 2026.
HOPE bénéficiera d’une situation idéale, à 1 km des côtes, dans la zone d’essais en mer située devant le port d’Ostende (Belgique), qui vise à être le maillon central de la filière hydrogène en Belgique et a contribué au développement du projet depuis sa genèse.
Le site de production sera alimenté par une électricité fournie dans le cadre de contrats PPA (Power Purchase Agreement) qui garantissent sa provenance renouvelable. L’eau utilisée pour l’électrolyse sera pompée dans la mer du Nord, désalinisée et purifiée.
Le site de production sera composé de trois unités : production et compression (à moyenne pression) en mer, exportation par un pipeline composite, puis compression (à haute pression), stockage et distribution à terre.
Les premiers kilos d’hydrogène de HOPE pourraient être produits dès 2026. Ils alimenteront les besoins en mobilité et les petites industries en Belgique, au nord de la France et au sud des Pays-Bas, dans un rayon de 300 km.
Propos recueillis par Jean-Guy Debord